Dans les dernières années du vingtième siècle, une nouvelle vague de luttes ouvertement anticapitalistes s’est développée en Amérique du Nord, en Europe et dans certains pays semi-coloniaux. La cible de son hostilité est diversement décrite comme « la mondialisation des grandes entreprises », le « néolibéralisme » ou, avec plus de précision, le « capitalisme mondial ». Une vague de protestations a secoué les rassemblements mondiaux de l’élite néolibérale. A Seattle, en 1999, des démonstrations de masse ont imposé l’annulation de la réunion de l’OMC. Des nouvelles protestations ont suivi partout dans le monde contre les réunions du FMI, de la Banque Mondiale, du Forum Economique Mondial et du G8. En 2001 à Gênes, 300 000 personnes ont défilé malgré une répression sanglante.
Le nouveau mouvement anticapitaliste remet en cause des caractères particuliers de la mondialisation et de l’impérialisme. Ceux-ci incluent le fardeau de la dette extérieure sur les pays non impérialistes et la privatisation des services publics. Le mouvement est opposé aux coupures, demandées par le FMI, dans les budgets sociaux et dans la sécurité sociale, et à la tactique de l’OMC d’imposer au Sud le libre commerce afin d’éliminer les rivaux de grandes entreprises. Il s’est aussi opposé à l’imposition du nouvel ordre mondial élaboré par les Etats-Unis et à la « guerre contre le terrorisme ».
Le mouvement anticapitaliste est une alliance de différentes forces et classes sociales. Celles-ci incluent des partis de la classe moyenne comme les Verts, des intellectuels qui critiquent la mondialisation et des institutions libérales comme beaucoup des Organisations Non Gouvernementales (ONG) qui font campagne contre la pauvreté, le sous-développement et les inégalités mondiales. Les programmes des ONG actives dans le mouvement anticapitaliste vont d’appels à plus d’investissement de l’Etat dans l’infrastructure jusqu’à une politique de substitution des importations du Tiers Monde. Leurs objectifs sont utopiques et la plupart limitent leur tactique à des méthodes légales de non-confrontation. Elles rejettent la politique de classe et veulent promouvoir une large coalition de la « société civile » pour limiter le pouvoir des entreprises.
Les appels à une taxe sur les échanges internationaux ou la fermeture des « paradis fiscaux » égratignent à peine la surface des privilèges capitalistes et laissent intact leur pouvoir de classe. En acceptant le patronage de partis réformistes comme le Parti Socialiste français, les Démocrates de Gauche en Italie et le PT brésilien, une aile du mouvement cherche à régénérer le réformisme.
Tout cela s’est cristallisé dans le Forum Social Mondial, fondé à Porto Alegre au Brésil. La volonté claire de l’aile bourgeoise de ce mouvement est de limiter toute action à la protestation légale. Eventuellement, il essayera de diriger les masses mobilisées par le mouvement anticapitaliste dans l’impasse de l’électoralisme. La lutte pour empêcher cela et pour battre les agents de la bourgeoisie libérale au sein du mouvement anticapitaliste est une tâche centrale.
Le mouvement anticapitaliste comprend aussi des secteurs plus radicaux du mouvement ouvrier : des syndicats militants, des partis réformistes de gauche, des ex-staliniens, des centristes hésitants et des trotskistes révolutionnaires. Il a attiré des organisations indigènes militantes et des paysans pauvres.
A l’aile gauche de ce mouvement il y a les populistes radicaux, les écologistes et les anarchistes. Ces forces veulent sans doute détruire le pouvoir des entreprises et de l’Etat mais elles rejettent la tactique et la stratégie nécessaires pour le faire. Ce sont ces forces qui ont donné au mouvement le nom d’anticapitaliste. Mais leur programme est totalement utopique, ils veulent « revenir » à une économie locale de petite échelle, fondée sur la propriété individuelle ou sur des coopératives décentralisées. Surtout, elles rejettent le moyen le plus important pour battre le capitalisme, la prise du pouvoir par la classe ouvrière.
Le mouvement anticapitaliste est en évolution. Il peut se désintégrer, victime de son incohérence, il peut devenir l’outil pour la recrudescence d’un nouveau réformisme international ou il peut se développer à un niveau plus élevé, fusionnant avec un mouvement ouvrier radicalisé dans une direction révolutionnaire et avec des mouvements alliés des exploités et des opprimés.
Pour profiter de la chance représentée par la réémergence de l’anticapitalisme de masse, la classe ouvrière et la jeunesse révolutionnaire ont besoin, avant tout, d’une organisation avec un programme clair. A partir du chaos informe d’objectifs et méthodes en compétition, il faut forger l’unité pour un objectif unique. Il faut un programme d’action clair et un nouveau parti mondial pour faire le lien entre la multitude des luttes actuelles et le but commun de la révolution.