Un gouvernement des travailleurs et des paysans pauvres

Les crises économiques et les guerres créent beaucoup de situations révolutionnaires pour la classe ouvrière. Mais ces crises n’attendent pas que la classe ouvrière soit prête. Souvent la question « qui prendra le pouvoir ? » est posée avant que les travailleurs aient pu organiser leur parti révolutionnaire de masse.

Dans ces situations, la classe ouvrière se tourne inévitablement vers sa direction actuelle pour qu’elle représente ses intérêts au sein du gouvernement. Soit par les élections soit par l’action directe, les travailleurs essaient de mettre au pouvoir « leurs » partis. Les révolutionnaires savent qu’une fois au gouvernement, les dirigeants réformistes serviront la classe capitaliste en démobilisant les luttes. Les révolutionnaires doivent toujours dire ce qui est, ils doivent dire cette vérité déplaisante sans ambiguïté.

Mais en rester là serait abandonner toute la méthode de notre programme de transition. Ce programme n’est pas un ultimatum adressé aux masses, il n’exige pas des travailleurs qu’ils abandonnent d’abord leurs organisations avant de lutter pour nos revendications et nos mots d’ordre. Notre programme est basé sur les intérêts de la classe ouvrière et nous sommes donc pour que les travailleurs exigent que toutes les organisations ouvrières mettent en avant ces revendications.

Pour ces raisons, les révolutionnaires soulèvent le mot d’ordre d’un gouvernement des travailleurs. Nous appelons les dirigeants actuels des travailleurs, leurs syndicats et leurs partis, à rompre avec les capitalistes et à faire des pas réels pour résoudre la crise dans les intérêts de la classe ouvrière.

L’agitation, menée avec force pour ces objectifs auprès de la base de masse du mouvement ouvrier, peut augmenter l’influence des révolutionnaires. Elle peut aider à changer l’attitude des membres des organisations réformistes. Au lieu d’une confiance passive en tout ce que leurs dirigeants proposent, ils formuleront eux-mêmes des revendications et proposeront des actions concrètes. Cette agitation peut démasquer les dirigeants qui ne veulent pas arrêter de se prosterner devant les capitalistes, même dans la situation la plus grave.

Tant que les dirigeants réformistes refusent de rompre avec la bourgeoisie, tant qu’ils utilisent les forces de l’Etat contre les travailleurs en lutte, nous disons que ce n’est pas un gouvernement des travailleurs mais un gouvernement des capitalistes qui doit être combattu comme tous les autres.

Mais il est possible, et même probable, que, dans une crise révolutionnaire profonde et prolongée, un changement se produise au sein des partis réformistes dans leur rapport avec la classe ouvrière. Sous la pression de leur base, ils peuvent faire un tournant à gauche : c’est arrivé en Espagne dans les années 1930, au Chili et en Grande Bretagne dans les années 1970. Ils peuvent adopter des propositions radicales de réforme, même des mesures de taxation, la nationalisation et le contrôle étatique qui frappent réellement les capitalistes et les font enrager.

Si un de ces partis arrivait au gouvernement dans cette situation, même si des réformistes de gauche ou des « révolutionnaires » y étaient dominants, il resterait un gouvernement bourgeois s’il continue à s’appuyer sur les forces armées et les institutions de l’Etat capitaliste. Les révolutionnaires ne pourraient jamais entrer dans ce gouvernement. Nous le défendrions contre les tentatives capitalistes visant à le renverser tout en augmentant l’agitation pour qu’il rompe avec la bourgeoisie.

Un tel gouvernement représente toujours une menace car face au sabotage économique des capitalistes et à la résistance ou à la révolte ouverte des forces de l’Etat, il peut s’effondrer, faire marche arrière ou se rendre, ouvrant la voie aux forces de la contre-révolution. Alors la revanche des capitalistes serait meurtrière.

Les révolutionnaires appelleraient à des mesures économiques décisives contre le sabotage capitaliste : l’expropriation des usines et le contrôle ouvrier. Mais nous ne nous arrêterions pas là. Pour prévenir la menace d’un putsch, nous revendiquerions la formation et l’armement d’une milice des travailleurs et la fin du contrôle de la caste des officiers sur les troupes. C’est seulement si le gouvernement prenait ces mesures et s’appuyait sur les organisations de masse de la classe ouvrière en armes, qu’il s’agirait véritablement d’un gouvernement des travailleurs.

La lutte pour un gouvernement des travailleurs peut être un pont vers la prise du pouvoir par la classe ouvrière et l’établissement d’un régime révolutionnaire. Mais il ne s’agit pas d’une étape inévitable ou d’un schéma. Si les masses sortent du contrôle de leurs dirigeants bureaucratiques, si les travailleurs les plus militants construisent un parti révolutionnaire et des conseils ouvriers avant qu’un tel gouvernement voit le jour, alors le mot d’ordre d’un gouvernement des travailleurs deviendra simplement l’appel pour que les conseils ouvriers prennent le pouvoir.

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