Dans certains pays et régions semi-coloniaux ravagés par le néolibéralisme et la mondialisation, le populisme a refait surface comme une force de masse qui a trouvé un écho dans le mouvement anticapitaliste de l’ouest, surtout après l’émergence des zapatistes au Mexique au milieu des années 1990.
Le populisme a une longue histoire. Dans les cent dernières années, des partis populistes de masse ont surgi aux Etats Unis, en Russie et en Amérique Latine. Les intellectuels, en réponse aux souffrances de la paysannerie, des petits paysans et des pauvres dans les campagnes, ont développé un mouvement radical, parfois même révolutionnaire, contre les riches et les puissants.
En Amérique Latine, ils ont défendu les peuples indigènes contre les élites blanches. En plus des paysans, les populistes ont cherché une base sociale dans la classe ouvrière, dans les couches inférieures de la classe moyenne et dans un secteur des capitalistes orientés vers le marché intérieur, « patriotiques ». Toutes ces classes ensemble étaient désignées comme « le peuple ».
Les ennemis déclarés des populistes étaient les grandes entreprises monopolistes, les financiers et les banquiers, les grands propriétaires terriens capitalistes et les entreprises de l’agroalimentaire. En Amérique Latine, ils ont concentré leurs attaques sur « l’oligarchie » des latifundistes, des banquiers et des secteurs des marchands et des capitalistes qui étaient les agents de l’impérialisme. Le populisme latino-américain a développé une stratégie de développement industriel par la substitution de produits locaux à l’importation, la promotion de services et industries étatiques, mesures similaires à plusieurs égards à celle prises par la social-démocratie en Europe. Il a aussi eu tendance à développer le culte, connu comme caudillisme, de leaders charismatiques, autour de figure comme Lazaro Cardenas (Mexique) et Juan Peron (Argentine).
Dans l’entre-deux-guerres et les années de l’après-guerre, des partis populistes comme l’APRA au Pérou, le PRI au Mexique, les Justicialistes en Argentine et le MNR en Bolivie ont représenté la force radicale « anti-impérialiste » dans ces pays. Ils ont réussi à lier le mouvement ouvrier à une coalition populiste, d’abord par le radicalisme et des vraies réformes sociales, ensuite par l’intégration de la bureaucratie syndicale et le clientélisme diffus.
Lors des « trente glorieuses », la plupart des partis populistes sont devenus de vrais partis bourgeois, même s’ils ont gardé une rhétorique nationaliste et un engagement pour la « développement ». Mais dans les années 1980 et 1990, l’un après l’autre ils ont succombé au néolibéralisme et ont abandonné leurs programmes de développement, tout comme les sociaux-démocrates le faisaient en Europe.
Mais, à partir de 1994, une nouvelle vague de populisme a commencé à surgir. Elle a été déclenchée par l’émergence des zapatistes dans l’Etat mexicain du Chiapas, parmi les pauvres sans terre en lutte contre les multinationales de l’agroalimentaire et les latifundistes. Ce n’était pas une force de guérilla traditionnelle et ils refusaient de chercher à « prendre le pouvoir ». Ils poursuivaient plutôt une stratégie vouée à l’échec, celle de stimuler les mouvements sociaux à encercler, vaincre et remplacer l’Etat. Au Venezuela, un caudillo plus typique, Hugo Chavez, est arrivé au pouvoir avec le soutien des pauvres des villes et de certains secteurs des forces armées.
Le problème du populisme est qu’il affaiblit l’indépendance de classe de la classe ouvrière, la rendant dépendante de « sauveurs » qui viennent du haut et essaye de la convaincre que les secteurs patriotiques de la classe capitaliste sont des alliés fiables. Inévitablement elle se résigne à un développement capitaliste national.
En Europe de l’Est aussi, après la chute du stalinisme, toute une série de partis populistes ont émergé. Il existe un danger de montée du populisme dans l’ex-URSS aussi, avec le déclin du prolétariat industriel, la croissance de la paysannerie propriétaire des terres et le grand nombre de chômeurs permanents.
Aujourd’hui, beaucoup de militants dans le mouvement anticapitaliste, sous l’influence des idées populistes, pensent que si la classe ouvrière réclame un rôle de direction dans la lutte, elle « divisera le peuple ». Ils se plaignent du fait que la direction de la classe ouvrière « exclura » d’une certaine façon les autres forces sociales qu’il faut gagner à la lutte contre le capitalisme. Mais c’est le contraire qui est vrai.
Quand la classe ouvrière se met à la tête de la lutte, les masses, loin d’être divisées, sont plus puissantes que jamais. En forgeant une alliance avec la classe ouvrière, la paysannerie et les pauvres des villes ne sont pas plus faibles mais plus forts, parce qu’ils ont finalement des alliés avec le pouvoir social, la discipline et la force collective pour arrêter le capitalisme et pour créer un ordre social coopératif.
Le populisme ne donne donc pas comme résultat un « peuple uni » idéalisé, mais permet à l’intelligentsia libérale et aux politiciens capitalistes « radicaux » de ramener le mouvement en arrière vers un soutien au capitalisme. Le populisme aujourd’hui, comme par le passé, est finalement dirigé contre le peuple.